Des esprits mesquins au gouvernement n’ont apparemment pas apprécié la décision de New Delhi d’organiser des rencontres entre la présidente Droupadi Murmu et les anciens Premiers ministres Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Par contre, une entrevue entre la visiteuse et le leader de l’opposition officielle reste un événement protocolaire traditionnel.
On a oblitéré les rencontres avec Navin Ramgoolam et Paul Bérenger de l’invitation lancée à la presse. On a aussi interdit aux médias non officiels tout accès au bungalow officiel à l’hôtel Oberoi lors de ces rencontres avec des responsables mauriciens. Donc, seuls la MBC et le Government Information Service (GIS) échappaient à l’interdiction de la police.
Contrairement à ce qu’on pouvait croire, la MBC n’était pas prête à se mettre en diapason avec les voix et les instruments des mesquins officiels. L’inimitable Anooj Ramsurrun choisit plutôt de diffuser des images des rencontres de la présidente indienne avec Navin Ramgoolam et Paul Bérenger dans son bulletin principal dans la soirée du 12 mars. Un simple chronométrage indiquerait que Navin Ramgoolam obtint pas moins de 17 secondes lors de son rendez-vous avec la sympathique et modeste Murmu qui a sans doute lancé une nouvelle mode de sari en trainers pour les Mauriciennes. Il fallait y penser!
Dans le cas de Navin Ramgoolam, il faudrait souligner le fait qu’il fut invité à titre exceptionnel à l’investiture de Narendra Modi le 26 mai 2014. Le nouveau gouvernement indien avait invité ses voisins immédiats – Pakistan, Bangladesh, Sri Lanka – mais avait aussi choisi de faire de Maurice un cas exceptionnel et particulier. Navin Ramgoolam perdit le pouvoir en décembre 2014 et depuis, le gouvernement Modi a traité avec les deux Jugnauth, père et fils.
Toujours en ce qui concerne Navin Ramgoolam, les Indiens ont maintenu des liens avec lui, les visiteurs de New Delhi s’arrangeant pour le rencontrer lors de leurs déplacements chez nous. D’ailleurs, le gouvernement indien n’avait rien laissé au hasard quand l’ancien Premier ministre atteint de Covid fut hospitalisé à New Delhi. Narendra Modi lui adressa un message personnel de bon rétablissem*nt. Soit dit en passant, Pravind Kumar Jugnauth apporta lui aussi son aide à son rival politique dans ce moment difficile.
La démarche indienne devient encore plus intéressante quand on y fait entrer le facteur Bérenger. On aura remarqué que depuis quelque temps déjà New Delhi soigne ses liens avec le leader du MMM lui aussi. Dans le passé, Paul Bérenger avait suscité beaucoup de méfiance chez les Indiens. On était même arrivé à un point où l’Inde avait envisagé d’envahir Maurice si Paul Bérenger prenait le pouvoir. Il s’agit de la fameuse affaire Lal Dora *. Craignant de voir Paul Bérenger renverser Anerood Jugnauth en 1983, la Première ministre indienne, Indira Gandhi, avait envisagé une intervention militaire à Maurice.
Dans le contexte de 2024 où des élections devraient se tenir à Maurice, la décision de New Delhi de soigner ses relations avec le Parti travailliste et le MMM a valeur de police d’assurance contre tout risque de chamboulement mettant en cause les intérêts de l’Inde à Maurice et dans cette partie de l’océan Indien.
Au cours des dernières années, l’Inde qui ambitionne de devenir la première puissance de l’océan Indien a connu des déboires au Sri Lanka, aux Seychelles et récemment encore aux Maldives. Depuis, les relations avec le Sri Lanka se sont considérément améliorées. Les Seychelles ont mis fin au projet indien de s’installer à l’île d’Assomption. Les Maldives démantèlent actuellement tout l’appareil militaire de l’Inde installé dans l’archipel. Pas question pour New Delhi donc de prendre le moindre risque avec Maurice surtout avec la construction massive et impressionnante d’infrastructures navales comme aériennes dans l’archipel d’Agaléga.
Logiquement, puisque tout le monde, surtout les pays occidentaux, courtise l’Inde actuellement, un gouvernement à Maurice chercherait à maintenir les liens historiques qui nous unissent à New Delhi et à en tirer des avantages. Reste à savoir toutefois si un nouveau gouvernement remettrait en question les ‘arrangements’ par rapport à Agaléga. Cela devrait inquiéter les Indiens. Mais le plus grand souci des Indiens serait la possibilité que son grand rival joue une carte maîtresse à Maurice. Comme dans le cas du nouveau gouvernement maldivien qui serait convaincu que le grand frère chinois serait tellement puissant qu’il l’abriterait facilement de tout danger indien.
- https://en.wikipedia.org/wiki/ Operation_Lal_Dora
