Pourquoi la révolution du bitcoin n’a-t-elle toujours pas eu lieu ? (2024)

On a beau en parler régulièrement, le bitcoin n’est pas près de révolutionner le monde. Depuis sa création en 2009, cette cryptomonnaie n’a cessé de revenir sur le devant de la scène médiatique à chaque nouvelle flambée de son prix. Dernière explosion en date : le coup d’éclat d’Elon Musk sur Twitter. Au mois de février, le patron de Tesla a fait exploser le cours du bitcoin en ajoutant la mention « #bitcoin » sur la bio de son compte Twitter, suivi par plus de 44 millions de personnes. Résultat : elle a atteint son plus haut historique à plus de 50.000 dollars. Ces derniers mois, de nombreuses entreprises financières ont également montré leur intérêt. Pourtant, les monnaies virtuelles ont du mal à se débarrasser de leur image d’instrument de spéculation.

« Pour l’instant, la promesse du bitcoin et des autres cryptomonnaies d’être utilisés comme moyen de paiement au quotidien n’est pas réalisée, admet Manuel Valente, directeur de l’analyse et de la recherche chez Coinhouse, acteur de référence en France. Très peu de gens l’utilisent pour effectuer des paiements ou des achats, malgré le fait qu’il y ait des commerçants qui acceptent les paiements en cryptomonnaies ». Notons qu’on parle du bitcoin, la plus ancienne et la plus connue, mais il en existe des centaines d’autres comme l’ethereum (la deuxième plus importante), ripple, litecoin…

Pour l’instant, on les achète dans le but d’investir et de se constituer un patrimoine. « 99 % des personnes qui viennent chez Coinhouse ne viennent pas pour acheter des cryptomonnaies dans le but de dépenser mais dans le but d’investir une partie de leur patrimoine et de leurs économies », reprend Manuel Valente. Et c’est un bon pari puisque depuis sa création, le bitcoin a été en baisse à peine 430 jours, selon Coinhouse.

Le bitcoin n’est pas une monnaie

Alors comment expliquer que les cryptomonnaies n’ont toujours pas réussi à remplacer nos euros dans nos porte-monnaie ? Tout d’abord -ça va vous faire un choc-, le bitcoin n’est pas une monnaie. « La monnaie n’est pas un bien, il s’agit d’un système de paiement, explique Michel Aglietta, conseiller scientifique au CEPII, professeur émérite à l’Université Paris Ouest et coauteur du livre Le Futur de la monnaie (Odile Jacob) ». Cette liquidité ne peut être que souveraine, c’est-à-dire vérifiée par une entité politique qui exprime le lien social dans un pays. En gros, l’adhésion à une nouvelle devise ne s’improvise pas. Il faut qu’elle soit exprimée par une banque centrale et qu’elle crée du lien social.

« La monnaie donne le sens de l’appartenance collective dans les sociétés de marché », décrit Michel Aglietta. Quand on paye, il faut que le paiement soit considéré comme final, qu’on soit sûr qu’il n’y a pas de fraudes. « Cela passe par un système hiérarchisé dont le règlement des transactions se fait sur les livres de la Banque centrale », poursuit l’économiste. Autre élément majeur : l’unité de compte. Celle-ci « est définie par la constitution du pays », souligne-t-il. Une monnaie dont l’unité de compte n’est pas formalisée dans la constitution des nations ne peut pas être une monnaie. Avec le bitcoin, Satoshi Nakamoto (le pseudonyme du ou des développeurs derrière la technologie) n’a pas créé une monnaie, mais un actif spéculatif. Et c’est bien ce qu’on observe aujourd’hui avec la plupart des monnaies digitales qui servent surtout à « boursicoter ».

« Un bitcoin, en tant qu’actif, a une valeur qui a été fournie par la demande, c’est un peu la même chose qu’un tableau de maître, reprend Michel Aglietta. Une peinture est un actif qui se vend et s’achète sur les marchés. Elle perd totalement sa valeur si plus personne n’en veut ». Le bitcoin est défini dans sa propre unité de compte qui n’a rien à voir avec l’unité de compte officiel. Sa valeur en dollar ou en euro peut fluctuer d’une manière quasi illimitée avec des moments où il explose et d’autres où il s’effondre. Il est vrai que les actions aussi fluctuent. Lorsqu’une personne en achète ou en vend, c’est parce qu’elle anticipe la valeur de l’action dans l’unité de compte officielle (dollars, euros…), et cela limite la volatilité. Au contraire, le bitcoin n’a quasiment pas de limites. Quand il a flirté avec les 20.000 dollars en 2017, on n’imaginait pas qu’il vaudrait 50.000 en 2021.

Une révolution qui n’aura pas lieu

Autant oublier la « révolution bitcoin » tout de suite. Elle n’arrivera probablement jamais. Le bitcoin ne deviendra pas une monnaie d’un claquement de doigt. Pour voir la prochaine révolution, il faut, comme souvent, se tourner vers la Chine. Le pays a une longueur d’avance sur le développement d’une cryptomonnaie d’État. Le yuan numérique devrait être la première monnaie virtuelle de banque centrale à voir le jour, des tests en circuits fermés ont même déjà débuté. Elle cocherait ainsi toutes les cases pour devenir une véritable monnaie : une forme de liquidité reconnue par tous et dont les paiements peuvent être vérifiés par une entité « supérieure ».

« Le développement de l’économie digitale implique nécessairement la création d’une monnaie digitale de banque centrale pour respecter la hiérarchie d’une forme de souveraineté au-dessus de tous les actes de paiement », pointe Michel Aglietta. D’autres pays pourraient d’ailleurs lui emboîter le pas. La Banque centrale européenne (BCE) a lancé le 12 octobre 2020 une consultation publique relative à un « Euro digital ». Reste à savoir comment le système monétaire pourrait prendre forme.

Le scénario le plus futuriste -et peu probable- serait une banque centrale qui émet de la monnaie pour le compte de tous les citoyens directement. Cette idée pose un problème car il faut savoir à qui on émet de la monnaie, quel est le capital de ces personnes et quelle est leur capacité de remboursem*nt. Cela suppose une centralisation de l’information gigantesque. L’autre possibilité décrite par Michel Aglietta, c’est un « système permissionnée ». Un ensemble de banques seraient admises à entrer dans la blockchain comme « mineurs » et pourraient créer de nouvelles entités de paiement.

Le futur se joue déjà en Chine

Pour rappel, toutes les cryptomonnaies reposent sur une blockchain, une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et qui fonctionne sans organe central de contrôle. Dans le cas de bitcoin, la technologie sert à enregistrer des transactions financières en mettant à jour le solde de chaque membre.

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Revenons à nos moutons. Dans le système monétaire du futur, des « banques étroites » mineraient pour le compte des citoyens. La monnaie serait ensuite centralisée par le système digital de la banque centrale. « On dit "banques étroites" parce que, pour être sûr que le système fonctionne, il faut qu’elles émettent de la monnaie digitale dans le cadre de la blockchain en ayant en contrepartie des actifs absolument sûrs. Elles ne peuvent pas faire de la spéculation financière, elles doivent détenir des titres sûrs, insiste Michel Aglietta. Mais cela veut dire qu’il y a une séparation entre la finance (les opérations de vente, d’achat d’actif, émission de dettes, de paris sur le futur) et la création monétaire ».

Et là, on pourrait véritablement parler de révolution. Gardons la Chine à l’œil, elle pourrait bien nous faire entrer dans le monde de demain rapidement.

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